Synthèse de l’atelier 10

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2 avril 2016 – Université Polytechnique de Valencia

ATELIER 10 : DIRECTIVES VOLONTAIRES POUR UNE GOUVERNANCE RESPONSABLE DES RÉGIMES FONCIERS APPLICABLES AUX TERRES, AUX PÊCHES ET AUX FORÊTS DANS LE CONTEXTE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE NATIONALE (DV) : QUELLE MISE EN ŒUVRE SUR LE TERRAIN ?

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BILAN

Considérations générales

Les DV n’ont pas force d’obligation indérogeable. C’est un outil de référence mobilisable pour faire évoluer les politiques et pratiques de gouvernance relatives à la tenure des régimes fonciers applicables aux terres, pêches et forêts. Leurs préconisations bénéficient d’une forte légitimité puisqu’elles ont réuni, fin 2012, les signatures des États membres du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale (CSA), suite à un processus d’élaboration qui a accordé une place importante à l’expression de la société civile mondiale.

Les DV légitiment la participation de la société civile aux processus de réformes de la gouvernance des régimes fonciers. Elles l’ont effectivement favorisée dans des cas où la volonté des gouvernements d’organiser cette participation était acquise. Les DV peuvent aussi constituer, en amont, un motif pour ouvrir un dialogue entre acteurs aux intérêts divergents et susciter la volonté des gouvernements d’en appliquer les recommandations.

Les DV appellent à reconnaître, respecter et protéger les droits – formels aussi bien qu’informels – des majorités (individus et collectifs) sur les ressources naturelles et à ce que les transferts de ces droits s’opèrent en échange de justes contreparties. Mais elles n’indiquent pas la nécessité de privilégier une forme d’agriculture plutôt qu’une autre. Or, l’agriculture capitaliste à salariés à grande échelle se développe aux dépens de l’agriculture familiale. Obtenir que les préconisations des DV en faveur des majorités rurales soient bien appliquées, tout en empêchant l’utilisation des DV pour légitimer l’expansion l’agriculture à grande échelle, dépend de l’expression de cette exigence par la société civile.

Dans de nombreux pays, l’amélioration de l’accès des familles et communautés rurales à la terre et aux ressources naturelles est contradictoire avec les intérêts immédiats des dépositaires des pouvoirs publics. Quand bien même ces derniers ont signé les DV, voire ont engagé un processus politique autour des DV, leur volonté de les appliquer en protection des ruraux défavorisés peut être très limitée. Plus généralement, les entreprises de production agricole capitalistes à salariés exercent un poids important sur les choix de politiques foncières et agricoles. La mobilisation de la société civile est partout indispensable pour faire évoluer la gouvernance des régimes fonciers au service d’une plus grande justice sociale.

Pour constituer un renfort des revendications des majorités rurales, les DV doivent d’abord être connues des ruraux. Ce n’est pas encore le cas partout, y compris dans des pays où ils sont le plus directement concernés par la concurrence des exploitations à grande échelle et les évictions. La FAO a engagé une démarche pour partager la connaissance des DV depuis fin 2012, mais c’est un travail de longue haleine qui n’est pas encore réalisé dans tous les pays. Des outils d’information et de formation sont à la disposition de tous sur les sites internet de la FAO.

Retours d’expériences

Des processus de discussion et des réformes politiques qui ont mobilisé les DV au Chili, en Colombie, en Écosse, au Guatemala, à Madagascar, en Mauritanie et en Uruguay ont été présentées. Dans ces cas, les DV ont permis :

1. de légitimer le choix d’ouvrir le dialogue sur le thème de l’accès à la terre entre des acteurs dont les intérêts divergent dans ce domaine, y compris dans des contextes où leurs divergences vont jusqu’au conflit, et en particulier de légitimer la participation des mouvements sociaux à ce dialogue ;

2. de fournir un référentiel pour évaluer des mesures prises dans le cadre de réformes antérieures : valider certains choix de méthode et contenu, identifier des écarts ;

3. dans les cas où les DV ont servi de guide à des réformes politiques (Colombie, Écosse, Guatemala, Madagascar, Uruguay), parfois avec un accompagnement de la FAO (Colombie, Guatemala, Madagascar), elles ont conduit à aménager des appuis légaux et administratifs à l’agriculture familiale, aux communautés autochtones et aux femmes. Les effets de ces mesures restent souvent à concrétiser, ces réformes ayant été finalisées récemment ou étant encore en discussion. Dans les cas où elles ont commencé à être appliquées par des gouvernements qui favorisent par ailleurs la concentration foncière à grande échelle, ces derniers n’ont pas cessé d’agir dans ce sens.

Les échanges engagés autour des DV au sein de la Réunion Spécialisée sur l’Agriculture Familiale, REAF, des membres du MERCOSUR (Marché Commun d’Amérique du Sud) ont été rapportés. Ils ont permis aux États et aux organisations de la société civile participants de mesurer l’importance d’instituer des régulations en faveur des agriculteurs familiaux, des communautés autochtones et des femmes. Elles ont par exemple validé le choix l’Institut National de la Colonisation d’Uruguay d’encadrer la cession (par les agriculteurs) des droits d’usage des terres qu’il administre, afin de garantir leur vocation familiale dans la durée. Ces discussions ont conduit la REAF a adopter une définition commune de l’agriculture familiale et à créer un registre des agriculteurs familiaux en vue de faciliter leur accès aux dispositifs d’appui de chacun des pays membres du MERCOSUR.

PROPOSITIONS

Les pistes proposées peuvent relever de l’action citoyenne seule, mais elles peuvent aussi utilement mobiliser des institutions gouvernementales locales, nationales et internationales et en particulier la FAO :

– La manière dont les DV peuvent permettre de favoriser le choix politique d’une voie de développement fondée sur l’agriculture familiale et les usages familiaux et communautaires des ressources naturelles en général pourrait faire l’objet d’une réflexion approfondie et d’une documentation en vue d’un partage d’expériences à grande échelle.

– Dans la perspective de favoriser une gouvernance responsable des régimes fonciers mais également le choix politique de l’agriculture familiale, et compte tenu de la nécessité pour les mouvements sociaux d’être moteurs du changement, une méthode pourrait être développée pour guider ces dernier dans l’élaboration de stratégies pour ouvrir des dialogues multi-acteurs, en vue de susciter la volonté effective des gouvernements d’agir en faveur des majorités rurales.

– En complément des préconisations formulées par les directives volontaires, des guides pourraient être produits pour développer la réflexion sur les enjeux et les mesures politiques possibles dans certains champs de gouvernance clefs. En premier lieu, l’importance de la régulation des marchés de droits fonciers (d’usage et propriété) en vue de maintenir dans la durée l’accès des paysans et des communautés rurales aux ressources naturelles et leur autonomie d’usage et les outils pertinents dans ce domaine mériterait une documentation spécifique. De même, les modalités de reconnaissance des droits communaux / communautaires et leur protection pourraient utilement faire l’objet d’approfondissement et de documents-guides complémentaires. Également, les processus de réformes agraires demanderaient à être documentés.

– Favoriser des dynamiques d’échanges régionales intergouvernementales, ouvertes à la société civile, pour permettre l’échange d’expériences politiques et pratiques, et l’émulation dans le domaine de la gouvernance responsable des régimes fonciers.

– Former des alliances internes et internationales impliquant non seulement la société civile mais aussi les secteurs académiques et les institutions gouvernementales favorables pour soutenir les démarches de dialogue visant à favoriser un développement privilégiant l’agriculture paysanne et les autres usages familiaux/communautaire des ressources naturelles. Des alliances internationales sont absolument indispensables pour aller dans ce sens dans les pays où le droit d’expression des ruraux est réduit voire nul.

Trois attentes ont été exprimées par les organisations de la société civile présentes :

– Des moyens pour traduire et diffuser les DV dans les pays où elles sont peu connues des majorités rurales, notamment parce que les gouvernements nationaux se refusent à s’en faire le relais ;

– La communication par la FAO de sa stratégie d’application des DV dans le cadre des projets d’action contre le changement climatique impliquant une large emprise foncière auxquels elle est associée (projet de maintien et création de puits carbone par la conservation et plantation de forêts, projet de conservation et restauration de sols) ;

– Que le bilan de la diffusion et de la mise en œuvre des DV lors de la prochaine session du CSA en octobre 2016 ne s’effectue pas seulement à travers la présentation d’exemples de réussites (« goodstories ») mais qu’il donne aussi aux gouvernements l’occasion de tirer des leçons des difficultés qui ont pu être rencontrées dans d’autres cas afin d’y trouver des solutions.

INTERVENTIONS

La liste suivante n’est pas exhaustive. Nous nous excusons auprès des intervenants lors de cet atelier et des participants qui n’y trouvent pas leur nom, et vous invitons à vous manifester, à l’adresse suivante, pour nous permettre d’éditer une nouvelle version de cette synthèse avec la liste complète : secretariat@landaccessforum.org

Interventions introductives :

GAMBOA, Klemen, Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO), Délégation Amérique latine

OUSMANE CAMARA, Jean, Coordonnateur National de la Cellule de Coordination de la Reforme Foncière, Ministère auprès de la Présidence en charge des Projets Présidentiels, de l’Aménagement du territoire et de l’Équipement, Madagascar

GOMEZ, Jacqueline, Présidente de l’Institut National de la Colonisation, Uruguay

LEON AYALA, Yvan Felipe, Représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) en Colombie

Interventions des participants :

BA, Elhadj Mamadou, Association Mauritanienne pour l’Auto Developpement (AMAD), Mauritanie

BINYUKI NYOTA, Espérance, Union pour l’Émancipation de la Femme Autochtone (UEFA), République Démocratique du Congo

I MOBIN JINNAH, Shah, Association pour le Développement Communautaire (CDA), Bangladesh, Community Development Association (CDA), Bangladesh

MOLINA, Javier, Officier de liaison avec les Nations Unies, Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture (FAO), Colombie, United Nations Liaison Officer

KEMANDA, Bienvenu, Maison de l’Enfant et de la Femme Pygmée, République centrafricaine

MACHART, Yves-Rocher, Agronomes et Vétérinaires sans Frontières (AVSF), France, Agronomists and Veterinarian Without Borders (AVSF), France

MANCHOLA RUIZ, Olga, Colombie

PEACOCK, Peter, Terres Communautaires Écosse, Royaume Uni

RAVINDRA GUNAWARDANA, Kariyawasam Mapalagam Hewaruppage, Centre pour l’Étude de l’Environnement et de la Nature, Sri Lanka

SABLE, Anne-Laure, Comité Catholique d’Action contre la Faim et pour le Développement (CCFD – Terre Solidaire), France

SAMPHORS, Doung, Star Kampuchea, Cambodge

VETTRAINO, Jean, Secours Catholique, France

WARTENA, Sjoerd, Terre de Liens, France

Modérateur :

SANCHEZ CURIHUENTRO, Ruben, Observatoire Citoyen, Chili

Rapporteur :

TAYLOR, Michael, Directeur du Secrétariat de l’International Land Coalition (ILC), Bostwana