Synthèse atelier 7
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1er avril 2016 – Université Polytechnique de Valencia
ATELIER 7 : ENVIRONNEMENT, AGRO-ÉCOLOGIE, SOLS, EAU, CHANGEMENT CLIMATIQUE
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Contents
BILAN
Le modèle agricole dominant, basé sur un usage abusif et destructeur des ressources naturelles, nous conduit dans une impasse sanitaire, sociale, écologique, climatique, économique et culturelle.
Au Nord comme au Sud, un arsenal réglementaire limite les droits des paysans à échanger et reproduire leurs semences. La privatisation des semences, premier maillon de la chaîne alimentaire, et leur contrôle croissant par des compagnies multinationales cherchant à accroître leur monopole en imposant des semences hybrides et OGM constitue une menace pour la souveraineté et la sécurité alimentaire mondiale.
La crise de l’eau est mondiale malgré son abondance. Sa mauvaise gouvernance, c’est-à-dire son accaparement par quelques exploitations aux dépens des autres, propage largement le stress hydrique des cultures. L’agriculture intensive d’irrigation gaspille et contamine la ressource eau et menace la durabilité des écosystèmes aquatiques.
Le premier défi auquel doit répondre la production agricole mondiale est celui de nourrir l’humanité en quantité mais aussi en qualité suffisante. La croyance selon laquelle l’agro-écologie ne serait pas assez productive pour répondre aux besoins alimentaires de la planète est erronée. Les possibilités productives de l’agro-écologie sont avérées notamment par des études du potentiel de l’agriculture biologique. Le mode de production agro-écologique permet des rendements en poids équivalents à ceux de l’agriculture non écologique, à court comme à moyen terme. Sur le long terme, elle est même plus efficace du fait de son moindre usage d’énergies fossiles et de ressources non renouvelables. La qualité nutritive des aliments issus de l’agro-écologie est nettement supérieure à celle des aliments issus de l’agriculture conventionnelle.
Face à la crise écologique actuelle, l’agriculture du XXIe siècle se doit également de produire de façon durable. Elle doit limiter ses émissions de gaz à effets de serre et les autres atteintes à l’environnement tout en s’adaptant aux changements climatiques. Il s’agit de promouvoir une agriculture agro-écologiquement intensive, c’est-à-dire utilisant intensivement les ressources renouvelables que sont l’énergie solaire, le CO2 atmosphérique, le sol (et ce qu’il contient, organismes vivants et matières organiques – humus). La fertilisation des sols à travers l’agroforesterie, la plantation de légumineuses fixatrices d’azote (et source de protéines pour les humains et les animaux), l’incorporation des déchets verts et déjections animales, la diversification et la rotation des cultures pour réduire ravageurs et pathogènes sont autant de techniques agro-écologiques qui permettent d’intensifier la production, sans pour autant la simplifier, et de préserver l’environnement et les ressources d’un milieu naturel donné.
L’agro-écologie s’appuie sur la diversité du milieu naturel pour renforcer ses performances et sa résilience, tout au contraire de l’agriculture capitaliste à grande échelle qui repose, elle, sur la simplification de l’environnement et des interventions (monoculture, monoélevage…) pour satisfaire à son impératif interne de rentabilité financière à court terme. La production agricole et forestière capitaliste à grande échelle, en voie de généralisation, uniformise les espaces ruraux. Elle menace la diversité biologique et culturelle et en particulier les pratiques expérimentées depuis des millénaires par les paysans et communautés à l’épreuve des conditions géo-écologiques et climatiques de chaque terroir.
L’agro-écologie requiert un investissement en travail plus important et complexe qui relève de l’artisanat. C’est donc dans des unités de production de moindre dimension, plus nombreuses et diverses, que réside le potentiel de développement de l’agroécologie. Elle peut, pour cette raison, répondre au défi du chômage de masse qui affecte nos sociétés et dynamiser l’économie, en s’appuyant notamment sur la valorisation des produits par les circuits courts (AMAP, marchés locaux…). Mais face aux évolutions actuelles du développement rural qui lui sont contraires, des politiques agricoles, alimentaires, commerciales et de recherche-formation sont nécessaires pour préserver, développer et généraliser l’agroécologie.
PROPOSITIONS
Certaines propositions dégagées par les participants relèvent à la fois d’actions citoyennes et de mesures de politique publique (pour la mise en œuvre de pratiques et d’échanges concrets entre producteurs et avec le grand public par exemple). D’autres relèvent spécifiquement de mesures législatives/réglementaires et d’interventions publiques. Mais leur adoption et mise en œuvre nécessite d’importants mouvements citoyens de revendication qu’il s’agit donc, avant tout, d’amplifier. Toutes ces propositions sont regroupées autour de trois objectifs.
Favoriser la circulation des savoirs agro-écologiques – investir dans la formation
– Développement des échanges de paysans à paysans. Ils doivent être au cœur de la démarche de développement de l’agro-écologie. [actions citoyennes et mesures de politique publique]
– Financer le développement de la formation professionnelle en agro-écologie. Mettre en place un système d’aides pour favoriser l’accès à ces formations, en ciblant plus particulièrement les femmes, qui fournissent l’essentiel du travail dans les petites exploitations familiales paysannes. [actions citoyennes et mesures de politique publique]
– Repenser les relations entre paysans et techniciens agricoles. Les techniciens agricoles doivent apprendre à intégrer le point de vue des paysans dans les projets de développement de l’agro-écologie, et apprendre de ces derniers en matière d’agro-écologie. [actions citoyennes et mesures de politique publique]
– Favoriser la mise en place de modules de formation en agro-écologie dans l’enseignement agricole, y compris dans les écoles d’ingénieurs agronomes [actions citoyennes et mesures de politique publique]
Garantir une juste rémunération des agriculteurs et une meilleure qualité de vie en milieu rural
– Le travail des agriculteurs agro-écologiques doit leur être rémunéré à la hauteur des bienfaits d’intérêt général qu’il génère. Pour que l’agro-écologie reste attractive pour les nouvelles générations, il est essentiel que ses agriculteurs reçoivent un juste revenu leur permettant de vivre dignement. Il peut être obtenu à travers des prix rémunérateurs (prix producteurs en général : voir atelier 8 ; voire primes spécifiques conditionnées à la pratique de l’agroécologie), des garanties de débouchés commerciaux et la lutte contre la concurrence déloyale des produits agricoles conventionnels à impacts négatifs sur l’environnement et la santé (voir objectif suivant). [mesures de politique publique]
– Investir dans des services publics de qualité en milieu rural pour lutter contre la pauvreté et l’exode rural. [mesures de politique publique]
Soutenir et encourager la consommation de produits biologiques, locaux et de saison
– Favoriser les circuits courts de commercialisation à travers divers soutien, tels que l’instauration d’aides à la création de marchés paysans, des AMAP1, ou de magasins de produits agricoles en vente directe [mesures de politique publique]
– Incorporer le coût des externalités de la production agricole industrielle dans les prix finaux (coûts des dommages à l’environnement et à la santé non assumés par les producteurs et intermédiaires industriels). Inclure le coût environnemental dans le prix des aliments permettrait aux aliments biologiques, par exemple, de ne plus souffrir de la concurrence déloyale des aliments industriels. Un débat public éclairé par la connaissance scientifique doit déterminer si l’internalisation des dommages est acceptable ou si des mesures réglementaires doivent être prises pour bannir certaines pratiques. [mesures de politique publique]
– Sensibiliser le grand public sur les questions agricoles et alimentaires en mettant en valeur leurs liens avec des thématiques transversales comme la santé, le bien-être, la création d’emplois, le lien social ou encore la résilience climatique. [actions citoyennes et mesures de politique publique]
– Interdire les OGM et lutter contre la privatisation des semences, bien commun de l’humanité. Protéger les droits des paysans à produire, reproduire et échanger leurs propres semences. [mesures législatives et de politique publique] ; Multiplier et favoriser les initiatives d’échange de semences paysannes. [actions citoyennes et mesures de politique publique]
– Mettre en place une gestion publique et communautaire de l’eau et des écosystèmes aquatiques, éléments clefs pour garantir la souveraineté alimentaire. [mesures de politique publique]
– Retirer immédiatement du marché les intrants chimiques les plus polluants et destructeurs de biodiversité, tels les néonicotinoïdes, pesticides « tueurs d’abeilles ». [mesures de politique publique]
– Reconnaître et développer les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) dans l’agriculture biologique. Les SPG sont des systèmes de certifications dans lesquels des groupes de producteurs, parfois en association avec des consommateurs, procèdent eux-mêmes à leur certification en vérifiant l’application des normes du cahier des charges de l’agriculture biologique à travers des visites croisées d’exploitations. Les SPG permettent notamment de réduire les coûts de contrôle et de certification, de renforcer les alliances entre producteurs, d’impliquer et sensibiliser les consommateurs, de dynamiser les espaces ruraux et de renforcer la confiance en l’agriculture biologique. [actions citoyennes et mesures de politique publique]
Enfin, pour de nombreux peuples, l’agriculture répond à l’objectif de production d’aliments mais elle est aussi indissociable de leur relation spirituelle à la terre. Cette dimension spirituelle doit être pleinement considérée lors de tout débat sur le choix de modèles agricoles.
INTERVENTIONS
La liste suivante n’est pas exhaustive. Nous nous excusons auprès des intervenants lors de cet atelier et des participants qui n’y trouvent pas leur nom, et vous invitons à vous manifester, à l’adresse suivante, pour nous permettre d’éditer une nouvelle version de cette synthèse avec la liste complète : secretariat@landaccessforum.org
Interventions introductives :
DUFUMIER, Marc, rofesseur Émérite, Agroparistech, France
ARROJO, Pedro, Université de Saragosse, Fundación Nueva Cultura del Agua, Membre du parlement (PODEMOS), Espagne
UGAS, Roberto, Fédération Internationale des Mouvements d’Agriculture Biologique (IFOAM), Pérou
MORENO, José Luis, Société Espagnole de l’Agriculture Écologique (SEAE), Espagne
KOOHAFKAN, Parviz, Président de la Fondation Héritage Agricole Mondiale, Iran
Interventions de participants :
BA, Sidy, Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux (CNCR), Sénégal
BA, Elhadj Mamadou, Association Mauritanienne pour l’Auto Développement (AMAD), Mauritanie
CLEMENTE ABAD, Juan, Coordination des Organisations d’Agriculteurs et d’Éleveurs – Communauté Autonome de Valencia (COAG-CV), Espagne
CRUZ, Artemio, Université Autonome Chapingo, Mexique
DEL POZO FERNÁNDEZ, Rodrigo, Solidarité et Autogestion Internationaliste (SAIn), Espagne
FAYE, El Hadji, Environnement et Développement du Tiers Monde, Protection naturelle des cultures (ENDA PRONAT), Sénégal
I MOBIN JINNAH, Shah, Association pour le Développement Communautaire (CDA), Bangladesh
KARIYAWASAM MAJUWANA GAMAGE, Thilak, Sri Lanka Nature Group, Sri Lanka
KEMANDA, Bienvenu, Maison de l’Enfant et de la Femme Pygmées, République Centrafricaine
MONREAL GAINZA, Borja, Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO), Espagne
MORA, Francisco, Université Polytechnique de Valencia, Espagne
NDIAYE, Ndeye Tabara, New Field Foundation, Sénégal
NÉSPOLO, Nelsa Inés, Centrale des Coopératives et Entreprises Solidaires (UNISOL), Brésil
NEVES, Vitor Carlos Centrale des Coopératives et Entreprises Solidaires (UNISOL), Brésil
RAVINDRA GUNAWARDANA, Kariyawasam Mapalagam Hewaruppage, Centre pour l’Étude de l’Environnement et de la Nature, Sri Lanka
SEGBENOU, René, Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN et JINUKUN), Bénin
SOMBOLINGGI, Rukka, Aliansi Masyarakat Adat Nusantara – Alliance des Peuples Indigènes de l’Archipel (AMAN), Indonésie
SORENSEN, Neil, Portail Foncier (LandPortal), France
SOUSA DE ALMEIDA, Simone, Confédération Nationale des Travailleurs Agricoles (CONTAG), Brésil
THOMSON, Frances, Université du Sussex, Royaume Uni
TOURÉ OUATTARA, Mariamé, New Field Foundation, Burkina Faso
VETTRAINO, Jean, Secours Catholique Caritas France
Modérateur :
LOYAT, Jacques, Agronome, Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (ATTAC), France
Rapporteur :
CABALLERO, Edurne, Centre d’Études Rurales et Agricoles Internationales (CERAI), Espagne
1 Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne, une forme d’organisation développée en France et dans de nombreux autres pays sous d’autres dénominations, qui associent petits producteurs et consommateurs finaux.
atelier 1 : ACCAPAREMENTS ET CONCENTRATION DE LA TERRE. QUELS BILANS CHIFFRES, QUELS ACTEURS ?
atelier 2 : TERRITOIRES FORESTIERS
atelier 3 : L’ACCAPAREMENT DES RESSOURCES HALIEUTIQUES
atelier 4 : ÉVICTIONS, EXODE, MIGRATIONS, CONSÉQUENCES SUR LES VILLES
atelier 5 : LES DIFFICULTES D’ACCES DES FEMMES À LA TERRE ET AUX RESSOURCES NATURELLES
atelier 6 : PRODUCTION, CREATION D’EMPLOI ET INSTALLATION DES JEUNES, PARTAGE DE LA RICHESSE
atelier 7 : ENVIRONNEMENT, AGRO-ÉCOLOGIE, SOLS, EAU, CHANGEMENT CLIMATIQUE
atelier 9 : GESTION DES RESSOURCES NATURELLES PAR LES PEUPLES. PEUPLES INDIGÈNES. BIENS COMMUNS.